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Entrevue avec ®TMark

Richard Barbeau - 05-2000

¤ Cyberculture

Dans le cadre de la participation du collectif d'activistes ®TMark à la Biennale du Whitney 2000, Archée (qui avait commenté l'événement le mois dernier) a réalisé une entrevue avec Ernest Lucha, porte-parole du groupe composé de cinq membres anonymes. Rappelons que ®TMark fait partie de la sélection du volet Internet qui s'ajoute cette année à l'événement. Et, à la surprise des conservateurs du Whitney, ceux-ci ont détourné, de manière imprévue, l'adresse de leur site vers une nouvelle page Web. Cette page permet à quiconque de soumettre un site que ®TMark présente en alternance, permettant à ceux qui se prêtent au jeu de participer à la Biennale!

L'entrevue a été réalisée en avril 2000 par courrier électronique.

>>> English Version

Traduction : Richard Barbeau

? : En premier lieu, comment décririez-vous les activités de ®TMark?

®TMark : ®TMark est une société de courtage qui permet à des investisseurs anonymes de financer des projets de sabotage dont le but est de médiatiser les abus d'une certaine démocratie corporative. En tant que société américaine à responsabilité limitée, nous pouvons dégager les investisseurs des responsabilités légales et éthiques de tels investissements. Comme beaucoup de comportements propres aux sociétés commerciales, il peut en résulter des préjudices, qu'ils soient humains, environnementaux, sociaux, culturels, psychologiques, économiques ou de toute autre forme à la biosphère. De tels préjudices peuvent se produire de façon accidentelle ou même volontaire, pour le simple profit.

Bien sûr, en tant que personnes décentes et sensées (comme c'est le cas pour la majorité des gens du milieu corporatiste), nous espérons que les interventions que nous commanditons mèneront à un plus grand profit plutôt qu'à quoi que ce soit de dommageable. Qui voudrait qu'il en soit autrement? Mais ®TMark, comme toute société, est une machine et une entité séparée, elle a ses propres règles et même si nous le voulions nous ne pourrions déroger à ces règles de ce fonctionnement.

En ce qui concerne la notion de «profit», la différence élémentaire entre ®TMark et les autres corporations est que nous donnons à ce terme une définition différente. Pour les autres corporations la motivation se fonde sur le profit financier, c'est la seule chose qu'elles peuvent envisager. Pour nous, il s'agit d'un «profit culturel», résultant de la médiatisation des abus d'une certaine démocratie corporatiste.

Il y a une autre nuance subtile mais importante : contrairement aux autres corporations, ®TMark définit sa ligne de conduite par rapport aux préjudices humains. Nous ne supporterons pas de projets, même s'ils semblent profitables, comportant un risque élevé de blesser physiquement les personnes. Nous avons implicitement tracé cette ligne de démarcation, afin d'éviter les poursuites de la part de nos investisseurs...

? : Cette notion de «responsabilité limitée» semble ici importante. En quoi consiste-t-elle? Et quel est votre point de vue critique par rapport à celle-ci?

®TMark : Effectivement, ce concept de «responsabilité limitée» est la pierre angulaire du pouvoir corporatif, parce qu'il sous-tend le statut de «personne naturelle» selon la législation américaine. La question est développée en détail dans une site comme celui de Poclad (1).

La «responsabilité limitée» est essentiellement un dégagement des responsabilités. Avec cette protection de la «responsabilité limitée», on peut faire beaucoup de choses au-delà de toute responsabilité financière ou légale. La société corporative, comme entité, assume cette «responsabilité limitée». Donc, elle ne peut être punie.

Aux États-Unis, ce concept a été élaboré en vue de réaliser des travaux publics, comme la construction d'un port par exemple. Si quelqu'un devait périr lors de ces travaux, comme cela a pu vraisemblablement se produire, le responsable du projet ne pouvait alors être jugé et emprisonné. Sans cette protection donc, personne n'entreprendrait de tels projets.

Il s'agit là d'une description très rudimentaire du principe de responsabilité limitée. Il suffit de dire qu'une protection élaborée initialement pour le bien public a été élargie afin de permettre des activités qui ne sont plus vraiment reliées à ce bien public. On dit souvent que la «responsabilité limitée» est encore nécessaire aujourd'hui, que sans elle, rien ne serait fait et que le capitalisme ne pourrait progresser. D'autres affirment que la compétitivité et la vitalité du capitalisme bénéficieraient de l'abolition de ce principe. Qui sait? Une chose est certaine, elle permet des comportements criminels à très grande échelle, sans aucun châtiment.

Tout en plaidant en faveur du candidat George W. Bush nous avons, l'an dernier, suggéré dans «Corporate crime» (2) une alternative à la «responsabilité limitée». Il s'agit en fait d'une modeste proposition qui, une fois redessinée par des experts, pourrait s'avérer efficace et intéressante.

? : Vous énumérez quatre conditions clés pour qu'un projet puisse se réaliser : le travailleur, le commanditaire, le produit et l'idée. Pourriez-vous les définir et les illustrer par un projet récent?

®TMark : Je cite un extrait de «A System for Change» (3) publié dans rmark.com dans lequel est décrit le projet de piratage du jeu SimCopter :

Sachant que Maxis Inc. était en train d'élaborer un projet de jeu interactif, un strip-teaseur, qui s'intéresse à ces jeux, lance l'idée : y ajouter un contenu homosexuel érotique. Ainsi le produit et l'idée étaient trouvés. Un programmeur en chômage, séduit par l'idée, nous propose ses services. Peu après, un commerçant aux préoccupations activistes offrait une récompense. Le premier programmeur n'ayant n'a pas réussi à se faire engager par Maxis, fut retiré en tant que «travailleur». Beaucoup d'autres travailleurs se sont portés volontaires et l'un d'eux, déjà à Maxis, fut choisi pour ses grandes chances de réussite. Dès lors, nous avons mis le projet en marche. Le programmeur réalisa l'idée en faisant apparaître ici et là dans le jeu des hommes en maillots manifestant mutuellement leur affection de manière très théâtrale. Avant que Maxis Inc. ne découvre le méfait et congédie le programmeur, le jeu avait été distribué partout au pays. Pour rendre le contenu «homoérotique» encore plus visible, le tout fut médiatisé.

Il peut y avoir d'autres formules. Dans le cas du sabotage de Secret Writer's Society (4), le programmeur a lui-même soumis l'idée et les fonds ont été fournis de manière anonyme (nous ne pouvons dévoiler de qui il s'agit).

Les sites Web que nous avons faits nous-mêmes sont complètement différents, car personne ne les a commandités. Mais on y retrouve le même genre de coopération. Au lieu de lancer un appel via notre liste de projets, certaines personnes nous proposent un champ d'action et voient à son développement. ®TMark s'assure simplement du concours de ses partenaires pour que le tout s'accomplisse.

? : Votre participation à la Biennale du Whitney diffère de ce système quadripartite. En même temps, il peut être intéressant de se demander à quoi, dans le cas présent, correspond le travailleur, le commanditaire, le produit et l'idée! Quoi qu'il en soit, quelle est votre relation avec le monde des arts? Pourquoi avez-vous été choisis par le Whitney?

®TMark : Nous sommes toujours heureux d'atteindre de nouveaux publics. Nous avons réussi à intéresser autant un public très large (CNN ou les auditeurs de CanalPlus, Ap, les lecteurs de Die Zeit, etc.) que des publics plus restreints — avocats activistes, militants pour le copyright, les gens du milieu de l'art (conservateurs, critiques, artistes).

Contrairement à ces publics restreints, le milieu de l'art est, en quelque sorte, un monde d'images — il y a un grand intérêt pour l'apparence des choses, mais pratiquement aucun pour la façon dont ces images influencent le reste du monde. Les autres publics restreints (militants pour le copyright, etc.) sont, au contraire, presque entièrement préoccupés par la manière dont on peut influer sur la réalité. Mais, les gens du milieu de l'art en tant que tel, sont plus intéressés par la signification du mot «réalité» plutôt qu'à la possibilité de transformer cette réalité. Pour le dire autrement, une fois que vous entrez dans un musée, votre état d'esprit adhère à cette mentalité où tout devient acceptable et intéressant, où rien ne vous choque ni ne vous affecte profondément.

Alors, notre implication dans le monde de l'art se devait d'être parasitaire. Évidemment, nous sommes très heureux d'être appréciés par le milieu de l'art. Cette publicité atteint parfois des gens qui s'impliqueront par la suite dans notre entreprise. Occasionnellement, nous recevons de l'argent suite à des conférences. Et, bien sûr, il est toujours flatteur pour l'ego de faire l'objet de commentaires écrits, d'être louangé et tout. Toutefois, il est beaucoup plus important que le grand public comprenne et reste branché à notre message, et ce, dans un sens très pragmatique. Cela est un million de fois plus important que la réceptivité de la part du public de l'art.

Tout de même, quand on s'adresse au public du milieu de l'art, la question ne se limite pas à simplement faire de l'argent. Nous voulons communiquer l'idée qu'il est essentiel pour les artistes activistes, dont le travail pourrait avoir un effet sur le monde, de se distancer des galeries et des musées, d'agir le plus possible en parasite et d'orienter leur production vers le monde réel. Et, ici, on ne parle pas de faire de la sculpture dans un espace public... Toute notre production reliée à l'art vise à faire valoir ce message et c'est tout ce que nous pouvons transmettre. Et notre site présenté au Whitney n'en dit pas plus. Car, chercher à informer les visiteurs du Musée des problèmes du pouvoir corporatif, ou quoi que ce soit d'autre de nature politique et propagandiste, serait aussi sensé que de porter une robe de bal au lit!

Rien n'empêche les artistes de faire de l'art pour les musées, dans la mesure où leur intérêt premier n'est pas de changer le monde, mais correspond plutôt à un projet esthétique et spirituel qui ne dépend pas d'un nombre élevé de spectateurs. 

Il y a de plus en plus d'artistes qui réalisent la futilité de créer des œuvres à caractère politique pour les musées, et qui orientent leurs efforts vers l'extérieur (La Fiambrera d'Espagne, et Kommunikations Guerrilla d'Allemagne, en sont de très bons exemples). Il y a aussi de très bons conservateurs qui autorisent le détournement de leurs budgets pour atteindre le monde réel, avec des réalisations hors des institutions. C'est une très bonne chose qui ne peut que s'améliorer dans le futur.

? : Donc, vous mettez l'accent sur une relation dynamique avec un large public dans le but de changer les choses. Mais, cette relation dynamique et ce désir de changement, ne devraient-ils pas être présents dans n'importe quel domaine? Pensez-vous, par exemple, qu'il existe encore quelque dynamisme dans un monde où tout est devenu acceptable et intéressant? Supposons qu'un artiste manifeste son anxiété par rapport au fait que la Biennale du Whitney soit commanditée (comme c'est le cas) par des corporations telles que France Telecom North America, et Reuters America, serait-il encore considéré comme acceptable et intéressant par le Musée? En d'autres mots, y a-t-il une conscientisation possible sur le fonctionnement même des institutions artistiques et culturelles?

®TMark : Bien sûr que c'est possible. Et les musées n'ont pas tendance à censurer pour de telles raisons, du moins je ne croit pas, à moins qu'ils ne soient subventionnés par des corporations. Dans ce cas, il y a presque toujours un système de censure implicite fermement implanté, quand ce n'est pas des individus comme M. Whitney qui n'ont aucun problème à censurer l'art de manière très explicite. Généralement, ceux qui dirigent les musées et voient à la diffusion et à la conservation de l'art sont des gens aventureux et intelligents, qui prennent en considération leurs actions et les ramifications de ces actions. Dans la mesure du possible, ils sont prêt et désireux d'explorer des niveaux plus profonds. C'est pour cela qu'ils évoluent dans ce domaine.

On ne se préoccupe pas de savoir si c'est possible, mais plutôt si cela a de la force. Les artistes peuvent passer beaucoup de temps à critiquer, avec raison, les musées et les autres institutions culturelles. Cela pour montrer à quel point ils sont affreux et qu'ils se compromettent dans cette dépendance au sale argent  des corporations, etc. Pour certains, cela constitue un art intelligent et de qualité.

Mais, si on vise à changer les choses, on doit soulever la question de l'efficacité. Dans le meilleur des cas, ces critiques vont peut-être amener une amélioration des institutions. Un directeur va  réaliser qu'il y a en fait assez de fonds gouvernementaux pour faire en sorte que les musées n'aient plus besoin de celui des sociétés ou des individus (bien sûr, cela serait une découverte étonnante : le gouvernement en fait ne fournit pas d'argent; les musées prennent donc l'argent des sociétés et prélèvent des frais d'admission; sauf quand les sociétés commanditaires assument, par noblesse, les frais d'admission. Tout le monde salue alors cette noblesse; et on oublie qu'il y a quelques années, tous les musées étaient gratuits...).

Donc, peut-être qu'un artiste qui s'attaque aux institutions influencera vraiment leur fonctionnement. On en doute, mais cela est possible. Mais la question demeure : en quoi cela importe-t-il vraiment? Est-ce que cette leçon que les institutions ont prise des artistes peut se répandre au-delà de celles-ci pour déborder de ce milieu très limité? Je crois que la question se pose pour n'importe quelle œuvre d'art : est-ce qu'une chose au sein du musée va affecter le monde extérieur? À moins d'avoir des penchants mystiques, on ne peut que répondre non.

À moins, bien sûr, que des cinglés comme Jesse Helms ou Rudy Giuliani prêtent attention aux expositions et décident de leurs donner une bonne dose de publicité gratuite en les attaquant. Dès lors, tout le monde gagne! Mais peut-on penser qu'une œuvre d'art puisse obtenir un tel effet sans avoir fait l'objet d'une attaque... Il y a certainement des manières plus faciles de faire réagir de tels idiots. Les médias d'information sont pleins de gens prêts à répandre tout ce qui peut faire réagir ces derniers. Vous avez là des milliers et des milliers de collaborateurs avides.

Encore une fois, nous ne croyons pas que l'art est inutile, c'est tout le contraire! L'art, et ce à quoi il se destine, les musées et autres, est absolument nécessaire — comme une bonne éducation pour tous, des bons soins de santé pour tous — pour qu'une civilisation se considère comme telle. Mais il est aussi possible pour les artistes de travailler à l'extérieur des murs et de construire hors du musée. C'est à ce moment que l'œuvre devient intéressante intellectuellement et spirituellement, mais aussi politiquement parlant. Son efficacité ajoute une toute autre dimension, qui est belle en soi — pensez à Fiambrera. Nous ne prétendons pas être des critiques d'art, mais cela nous apparaît définitivement beau.

? : Par contre, la situation dans laquelle on se trouve actuellement, me paraît assez nouvelle. En ce sens que le monde de l'art contemporain n'est plus tout à fait clos sur lui-même dans le mesure où il se déploie progressivement dans le cyberespace, un espace partagé par différents types de culture (culture économique, sociale, politique, etc.). En pensant à cette idée de parasitage de même qu'à votre intervention dans le cadre de la Biennale du Whitney, peut-on envisager un tout nouveau type d'efficacité qui serait de l'ordre de l'infection?

®TMark : Oui! Cela est tout à fait possible. Le média a ce potentiel et c'est pourquoi il est utilisé par beaucoup de gens considéré comme des artistes d'une manière ou d'une autre, ou pouvant eux-mêmes se considérer comme tel ou non. Dans ce domaine, la force d'Internet peut être vue par les conservateurs comme quelque chose de problématique : le fait qu'il soit impossible à domestiquer et d'en faire un jouet pour les riches. Internet sera toujours un choix étrange pour quiconque a comme intérêt premier d'être un artiste, plutôt qu'autre chose.

Pour les artistes, Internet est un support pauvre. Une toile régulière est bien mieux. Et pour ceux qui veulent de l'interactivité, les cédéroms sont préférables. La seule chose qu'offre Internet est la visibilité — ce qui représente une entrave à l'art, car le mécanisme habituel de l'art repose sur un accès restreint, ce qui permet de fixer des prix. Par contre, il est fantastique pour les activistes.

Pour les activistes, Internet est vraiment un téléphone sensationnel. Il n'est que ça, mais c'est quand même beaucoup. Les activistes ont utilisé tous les avantages du téléphone — avec des chaînes téléphoniques par exemple — et ils font de même avec Internet.

Bien sûr les sociétés commerciales— dont le seul objectif est l'argent et le pouvoir — utilisent aussi à plein ce téléphone, mais c'est une autre histoire...

? : D'un côté, vous comparez votre rôle d'entremetteur à celui d'un commissaire et vous accordez une valeur esthétique et créative à l'efficacité d'une action (5).  De l'autre côté, le fait qu'une marque déposée (®TMark) se retrouve dans l'exposition d'un musée peut nous amener à considérer les noms d'artistes comme des marques de commerce cotées en Bourse. Nous aurions là des exemples d'infection ou de contamination. À ce titre, l'efficacité de vos interventions (celle du Whitney en particulier) ne repose-t-elle pas sur le fait que les musées ou les sociétés ne sont pas du tout immunisés contre les «parasites»? Et, comment vont-elles s'immuniser?

®TMark : Bon. Le fait que ®TMark fasse partie d'une exposition dans un musée ne rend compte que des intérêts de ce musée. Tout cela est certainement plus complexe, j'en suis certain. Mais comme nous ne sommes pas des critiques d'art, nous pouvons difficilement aborder une telle question. Mon argument consiste à dire qu'il n'est pas possible de contaminer un musée. Il n'est lui-même que contamination, il ne cherche que cela constamment. Oui, ®TMark est présent sur la scène de l'art parce que les musées aiment la contamination. Du moins je suppose, ou bien il s'agit d'autre chose.

Cela dit, les sociétés corporatives n'aiment pas être contaminées. ®TMark ne s'est jamais fait embrasser par une corporation à ce que je sache.

Dans une optique autre que celle du critique d'art, la question de savoir ce que signifie l'efficacité pour chacun des contextes nous intéresse peut-être davantage. Nous en avons parlé plus haut, tout ce que nous pouvons espérer du contexte de l'art consiste à pouvoir communiquer les idées que nous considérons intéressantes pour ceux qui voudraient s'engager dans les activités qui sont les nôtres. Autrement, notre efficacité dans le contexte de l'art doit se mesurer en dollars (US de préférence). Parfois on reçoit de l'argent pour nos conférences et c'est très bien. On peut s'en servir pour défrayer nos frais courants ou pour investir dans des projets spécifiques.

En ce qui concerne les sociétés, notre efficacité s'exerce seulement dans l'arène de l'opinion publique soit celle des médias. Avoir affaire avec les sociétés comme telles (eToys par exemple) ne représente pour nous aucun intérêt. Je veux dire que l'interaction ®TMark-eToys par exemple, n'est pas celle d'un dialogue ou d'une possible influence sur eToys ou les gens qui y travaillent. Sauf si, dans une certaine mesure, il en résulte une couverture médiatique.

En d'autres mots, il n'y a absolument aucun bénéfice à tirer d'un «dialogue» avec les sociétés. Ce sont vraiment des êtres pervers qui n'ont qu'une seule chose en tête : l'argent. On ne peut les changer, ou en faire des «citoyens responsables». Si vous les attaquez, elles vont tout simplement se transmuter en quelque chose d'autre — elles vont adapter leur marketing en vue d'absorber votre critique. La seule raison qui pousse à interagir avec les sociétés est qu'il en résulte un effet sur le monde réel. C'est-à-dire une couverture médiatique menant à une plus grande conscientisation du public ou à des législations plus éclairées. Voilà notre théorie.

J'oserais même dire qu'il en est de même avec les institutions artistiques. Pourquoi se donner la peine de les attaquer à moins d'en arriver vraiment à une profonde analyse pouvant conduire à long terme à réformer non seulement les musées (on s'en moque!), non seulement le réseau mondial des musées (on s'en fiche!), mais plutôt les institutions en général. Il est préférable de les utiliser pour ce qu'elles valent (qu'il s'agisse de dollars, de mark allemands, etc.) et de porter son attention vers le monde réel.

Notes

1. Poclad (Program on Corporations, Law & Democracy) est un site d'activistes qui remet en cause les droits des sociétés corporatives (http://www.poclad.org/).

2. ®TMark a crée avec «Corporate crime» une politique fictive qui aurait été celle de George W. Bush (alors candidat à la Présidence). Celle-ci consistait à humaniser et à responsabiliser les sociétés américaines en rendant leurs actions punissables. (http://rtmark.com/bushprcorpcrime.html).

3. A System for Change est un texte qui décrit la méthode de travail de ®TMark ainsi que leurs objectifs. On y retrouve aussi des exemples d'interventions (dans la section «Material»: http://rtmark.com/docsystem.html). On peut se faire une bonne idée de ce qu'est ®TMark en visionnant leur vidéo promotionnel intitulée Bringing IT to YOU disponible sur le Web en RealVideo (dans la page «Video» de la section «Material»). La version française du scénario est aussi disponible.  

4. Secret Writer's Society (http://rtmark.com/sws.html) est un logiciel éducatif produit par Panasonic Interactive Media pour apprendre aux jeunes à écrire. Le logiciel a été saboté en intégrant ici et là des mots obscènes, dans le but de contester l'efficacité pédagogique d'une approche technologique impersonnelle. Un reportage en RealVideo est disponible à cette adresse: http://rtmark.com/rtmarkSWS.ram

5. «The defining characteristic of ®TMark curation is directly complementary to that of corporate curation.  Like corporate curation, ®TMark curation has a unifying principle, and everything curated by ®TMark obeys it: ®TMark curation appeals to citizens (and non-citizens) as output mechanisms, as creators.» Voir le texte «Curation» (http://rtmark.com/curation.html).

Sites connexes

Le site de ®TMark

Biennale du Whitney 2000

Le site de ®TMark au Musée

Richard Barbeau «La Biennale du Whitney 2000 : la rencontre de deux réseaux» dans Archée, avril 2000.

Matthew Maripaul, «Now Anyone Can Be in the Whitney Biennial», chronique Art @ Large du New York Times on the Web, 23 mars 2000.

Matthew Maripaul, «For Museums, Internet Art Is a Tricky Fit», chronique Art @ Large du New York Times on the Web, 30 mars 2000.

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