Le Web, l'art et le milieu : cinq propos divergents (et réponse à
Johanne Chagnon)
Pierre Robert - 06/2000
Les points de vue suivants tentent de cerner à vol d'oiseau la variété
des expériences et des croyances rattachées à l'univers des arts sous
l'angle critique de la production cyberartistique.
Le multilogue ...
Qu'est-ce qu'un multilogue?
Un multilogue (néologisme) est une forme de discours dont la principale
caractéristique est définie par son préfixe multi. La seconde
partie provient du grec logos (la raison humaine incarnée par le
langage), mais la raison devient par le multilogue: la
connaissance humaine incarnée par les langages. Le multilogue met
l'emphase sur une pensée dont les réseaux sémantiques sont diversifiés,
tant dans le contenu que par les médias utilisés. En fait, les arts
moderne, contemporain et réseautique font grandement état de cet aspect
multilogique de notre univers. À ce titre, le terme multilogue
instaure une facilité de langage pour représenter une réalité de plus en
plus acceptée. Cependant, là n'est pas le principal but de notre
insistance envers le multilogisme.
Dans le domaine des pratiques artistiques modernes et contemporaines,
le discours verbal joue, par tradition, parallèlement aux productions. Cet
état de fait, pour diverses raisons, ne tient plus. On remarque
fréquemment, par exemple, que les conservateurs et les commissaires ne
nous étonnent plus, ils se contentent trop souvent de contextualiser
l'oeuvre dans ses dimensions les plus conventionnelles (historiques,
biographiques, techniques, artistiques, dramatiques et anecdotiques, ce
qui n'est pas rien en soi...). L'approche conventionnelle alimente un
dualisme pervers faisant du langage verbal un objet de connaissance
détaché de l'objet d'art, il voile d'une certaine manière les expériences
multilogiques.
Tous les signes et les langages s'intègrent dans la réception humaine;
voir, entendre, lire, parler et déambuler, entre autres, forment un
multilogue singulier lorsqu'ils s'associent dans une même action
cognitive. Dans l'esprit du visiteur de musée, qui ne fait souvent aucune
distinction éclairée entre les diverses composantes de son expérience
(malgré ce qu'il croit), un fourmillement d'interactions se produit. Le
schisme entre le langage verbal et le langage artistique est, de la sorte,
artificiellement maintenue en vie par une pratique du discours esthétique.
Il s'agit, pour parodier, d'une forme de vie artificielle sans
intelligence. Cette division entre les langages alimente merveilleusement
le mythe de l'objet exceptionnel (dont il faut parler) et de son
corollaire, un objet accessible par la seule entremise des événements
majeurs et médiatiques (ce qui sous-entend, par ailleurs, un
contrôle de l'information). En outre, dans cette optique, c'est la
médiatisation qui détermine la valeur et non le discours vendu chèrement
sous forme de catalogue, pour les férus et les fanatiques, mais surtout
pour les professionnels de l'histoire de l'art.
Le fameux urinoir inversé de Duchamp (Fontaine, datant de 1917)
pointait du doigt cette arriération du milieu conservateur des arts
par lequel la valeur esthétique de l'objet d'art est normalisée et mise en
boîte. Au tournant du siècle, l'impact des médias électriques contamine
tout sur son passage. Les artistes de l'époque perçoivent très bien le
phénomène émergent et les stratagèmes de Marcel Duchamp fonctionnent alors
comme des capsules électrogènes projetées dans l'espace des anciens. Les
institutions fondées sur l'objet tarderont forcément à assimiler ces
nouvelles réalités et, durant les années soixante et soixante-dix, les
musées deviendront une cible facile pour les artistes et les activistes
révoltés par ce système révolu.
Se construit-il actuellement un autre fossé avec le cyberart? Un
article paru récemment dans la zone montréalaise (dans la revue
Esse) nous laisse entendre que cela est effectivement possible, que
les artistes issus des "arts plastiques et visuels" se sentent
inconfortables avec la "mode technologique". Cependant, les acteurs et les
contextes diffèrent. Reste que le problème de l'art ressuscite de manière
aiguë avec l'arrivée de l'Internet et du Web.
En réponse à l'article "En réseau et hors du commerce..." ...
La revue québécoise Esse : arts et opinions présente dans son
numéro du printemps 2000 un dossier intitulé "Mode technologique". Johanne
Chagnon, artiste et membre du comité de rédaction de la revue, y va d'un
article intitulé "En réseau et hors du commerce...".
Compte tenu que ce dernier reflète, à mon grand étonnement, une perception
de l'art sur Internet certainement partagée par d'autres, une réplique à
certains propos s'avérait incontournable.
Un article quelque peu réactionnaire, malgré les nuances et les
avertissements apportés par l'auteure. Ce texte semble porté par la
crainte d'une mort annoncée, celle des artistes envers qui le système
local est peu généreux et qui sont aussi exclus (par défaut) de la "mode
technologique". Johanne Chagnon associe trop facilement la technologie aux
grandes corporations capitalistes, un pacte qu'elle se refuse à signer au
nom d'une humanité déséquilibrée et captive selon ses dires. Voilà pour le
ton général de cet article. Toutefois, dans la seconde partie de son
texte, elle passe en revue différentes productions "technologiques"
québécoises en leur accordant un regard sensible et intéressé.
Ce dossier "Mode technologique" de la revue Esse rappelle par certains
aspects un numéro produit par la défunte revue québécoise Cahiers :
arts visuels. Cette dernière avait recueilli les opinions de nombreux
artistes s'insurgeant alors contre l'omniprésence du discours dans la
validation des oeuvres et des artistes (les années 80). Dans les deux cas,
l'attitude négative semble camoufler une tentative de faire valoir les
prétendus laissés-pour-compte. Force est de constater aujourd'hui que ce
ne sont pas les artistes protestataires d'alors qui occupent aujourd'hui
la scène artistique. Et peut-on vraiment faire porter au discours d'alors
l'ordre actuel des choses? Il existe plutôt des circuits et des réseaux
artistiques distincts. Prendre exemple de l'un de ceux-ci pour évaluer les
autres relève d'un manque de jugement.
Force est d'admette, par ailleurs, que l'essor des musées depuis les
quinze dernières années, engendre une confusion quant à la valeur des
objets, des événements, des artistes et des pratiques artistiques, ces
différents axes de la production sont loin d'avoir une parenté aussi
profonde que suggérée. Dans les nouvelles dimensions de l'esthétique
occidentale, l'artiste (la personne) est une donnée flottante et sans
réelle valeur marchande, ce sont les événements muséaux qui occupent tout
le centre d'intérêt (on vend des must culturels). Dans l'univers
des arts dit visuels, les artistes vont et viennent, seuls les immeubles
et les objets qu'ils contiennent restent, et c'est à partir de ces
derniers que l'art vit dans les musées. Il n'est pas étonnant que de
jeunes artistes en viennent à proclamer que leur propre vie est un art,
niant ainsi le pouvoir de possession, comme en fait la démonstration le mariage de Clarisse et
Alexandre Gurita à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de
Paris. Les artistes du Web contournent aussi le système établi, à leur
façon, sans pour autant chercher à le détruire. On ignore plutôt le
système jusqu'au jour où l'intérêt d'un musée ou d'une institution se
manifeste. En ce sens, le cyberespace est comparable à un immense atelier
ouvert. On s'y promène d'atelier en atelier et on fait de très belles
découvertes, sauf qu'il n'y a pas d'exclusivité, la découverte est déjà
publique. Quant à la reconnaissance, elle peut être institutionnelle, elle
peut provenir d'un milieu de création ou simplement être le fait d'un
groupe d'internautes. Elle est désormais variable. Reste que certains
musées gagnent en importance lorsqu'ils jouent le grandiose.
Les nouvelles dimensions de
l'art moderne et contemporain ...
Prenons par exemple la récente ouverture du Tate Modern à Londres. L'immeuble est
une ancienne centrale énergétique dans laquelle se trouvait une
gigantesque turbine. L'allée centrale accueillait la turbine (photo au
bas). Ce projet muséal historicise l'art moderne et contemporain dans un
environnement techno-industriel récupéré. La grandeur du monde moderne,
mythique et solennelle s'y déploie, sans pour autant satisfaire les
connaisseurs.
Ici rien ne subsiste de l'auréole avant-gardiste du petit MoMA new-yorkais (photo avec le drapeau) fondé par trois citoyens
en 1929 (1).
Le Tate Modern détient une archéologie du savoir artistique moderne et
contemporain. La visée touristique de ce monument international fait
littéralement compétition aux pyramides d'Égypte. Les jeunes artistes
ont-ils vraiment pour objectif ces sommets touristiques? Est-ce ce qu'on
promeut dans les écoles et les départements universitaires de beaux-arts,
d'arts plastiques, visuels et médiatiques? Plus on y regarde, plus on se
perd en conjectures, plus l'univers des arts (issus de la tradition des
beaux-arts) subi un bouleversement imprévu.
Le temple de la renommée moderne est maintenant
spectaculaire, et cela semble suffire à sa justification. Comment
concilier l'ancien moderne avec le nouveau contemporain, dans un monde
déjà cybernétique?

Répliques à Johanne Chagnon de la revue Esse: art + opinions
...
Johanne Chagnon prétend que le cyberart et la mode
technologique n'ont rien de nouveau à apporter, l'enthousiasme de certains
théoriciens pour ce mouvement artistique ne serait donc qu'un phénomène
passager :
"Le phénomène semble cyclique."
"[...] : la performance a aussi été l'une de ces formes
artistiques qui, dès son apparition, a transporté les théoriciens
au-delà de toute commune mesure."
La nouveauté (et ses cycles) est un concept lié à la modernité. Depuis
les années 90, l'Internet promeut une vie dans le cyberespace dont le but
n'est pas de créer de la nouveauté mais de prendre la pleine mesure de
l'essor technologique. Le média électronique est principalement un nouveau
milieu de vie et non seulement un outil technologique particulier
élaborant une nouvelle façon de représenter. L'histoire de l'art a créé
des châteaux forts en prenant pour base les techniques de reproduction et
de production, il existe donc une histoire de la photographie, de la
sculpture, de la peinture, de l'aquarelle, du dessin, de l'architecture,
de la gravure, de l'installation, du land art, du body art, de l'art
conceptuel, de la performance, sans compter tous les groupes particuliers
et leurs "ismes". Les théoriciens ne sont pas transportés "au-delà de
toute commune mesure", ils ne le sont que par ceux qui perçoivent encore
le discours comme une dominante de l'art.
La théorisation est loin d'être l'engrenage de la création dans le
cyberespace. D'un autre côté, pourquoi les théoriciens ne pourraient-ils
être transportés par les énergies de l'interréseau? Qu'est-ce qui gêne
dans cet intérêt pour le cyberespace, sinon ceux qui se croient laissés
derrière?
J. C. : "[...], le travail en collectif (qui n'est pas
nouveau en soi)"
Pourquoi cette insistance sur la vieille nouveauté du temps présent? Si
la nouveauté ne convient plus en tant que facteur d'appréciation, il faut
se baser sur d'autres approches critiques. En affirmant qu'il n'y a rien
de neuf sous le soleil, on rend l'enthousiasme suspect et on restreint la
créativité.
J. C. : "Cette instance à vouloir enlever à l'artiste son
hégémonie dénote une tendance à vouloir faire disparaître le propre de
la création, et la fonction critique qui s'y rattache."
J. C. : "On devient tous des robots qui font tous de belles
affaires", mentionne l'artiste Jocelyn Fiset."
On semble insister ici sur le fait que l'interactivité technologique
entre le créateur et le récepteur brouille les pistes par lesquelles
l'artiste critique la société, une position sans laquelle les artistes ne
seraient que des robots producteurs. Le problème ne relève pas de la place
de l'artiste et de sa fonction critique. Toutes les sphères de l'activité
humaine font face à des enjeux critiques inégalés à ce jour. Pourquoi
l'"artiste" ne peut-il être critiqué comme tous les objets culturels de la
société? La victime est certes un héros en formation, mais qui décide de
la valeur de l'un et de l'autre?
Le problème réside plutôt dans le fait que l'oeuvre d'art
traditionnelle (qu'elle soit peinture, sculpture, performance ou
installation) n'assume plus, à grande échelle, ce rôle critique (ce sont
les activistes comme RtMark qui occupe le champ de la critique sociale, ce
sont eux qui se retrouvent au Whitney Museum et ce sont encore eux qui
considèrent les artistes normaux comme incapables de servir adéquatement
les nouvelles réalités - lire ou relire à ce sujet L'entrevue avec
Rtmark). Quand un artiste performe près d'une rivière à Chicoutimi, à
Cologne ou au Burkina Faso, il se répand dans le monde dans la même mesure
qu'un appel téléphonique, son auditoire est réservé et exclusif, et il n'a
peu ou pas d'impact dans le monde. Cet isolationnisme ne peut être tenu
comme la valeur suprême de l'art, c'est de la poésie, pas de la critique,
ni une révolution. En ce sens, malgré leur aspect non conventionnel, les
pratiques inédites demeurent confinées dans la sphère traditionnelle des
beaux-arts, celle de l'objet exclusif. Et si on voulait absolument
l'entendre dans le sens de la nouveauté (ce à quoi, personnellement, je me
refuse), ce type d'activités artistiques représenterait une régression
esthétique.
J. C. : Les tubes de peinture et les matériaux de sculpture
ont toujours été disponibles au public sans qu'on évoque pour autant une
révolution ou un déplacement de pouvoir. Le discours sous-jacent semble
plutôt un encouragement à l'industrie où la création devient un prétexte
à l'achat d'équipement informatique.
Les artistes vivent si pauvrement qu'en regard des possibilités
d'expression et de diffusion pour un même budget, le numérique est
hautement avantageux. En ce qui concerne cette conflagration suscitant
l'achat, elle est surfaite. La maîtrise logicielle et programmative est de
loin l'aspect le plus important et ça demande de l'intelligence comme
carburant, pas nécessairement de l'argent. Par ailleurs, le Web foisonne
de contenus permettant des approches créatives sans frais. De plus, les
tubes de peinture s'épuisent alors que les programmes sont inépuisables et
transformables à l'infini. Révolus les tubes pression de la pâte colorée,
les tubes écran le seront peut-être aussi dans quelque temps.
J. C. : On compare le fonctionnement du cerveau humain à
celui de l'Internet, le nouveau cerveau planétaire! Ceux qui endossent
cette pensée, éblouis par le fait qu'une technologie nous permette de
communiquer partout à travers le monde, entrevoient que nous allons
enfin régler tous nos problèmes.
Comparativement à l'automobile comme moyen de communication entre des
lieux et des personnes (plutôt onéreux, polluant, individualiste sinon
schizophrénique), il semble, à l'évidence, que l'interréseau soit une
technologie généreuse et porteuse d'un avenir qui surpasse de loin tout ce
qu'on a connu avant. La communication est une réalité dans le cyberespace,
elle n'est pas un voeu d'amour pieux, répété à satiété par la voie
agressive des enceintes acoustiques de l'automobile (le nouvel opium du
peuple c'est la chanson). Comparativement à ce modèle occidental de la
captivité socio-économique, un branchement sur Internet serait, sans
contredit, plus fertile en retombées humaines. La décennie 1990 a été
qualifié la décennie du cerveau dans le domaine des recherches
scientifiques, elle est aussi celle de l'Internet et d'un village global
plus communiquant.
Par ailleurs, il devient plus que nécessaire d'habiter le cyberespace
pour y assurer une vie saine (ce qui ne veut pas dire sanctifiée). Le
cyberespace est un forum démocratique comme nul autre. Rien de comparable
à l'information soporifique télévisuelle, à la redite des journaux (gavés
par les agences du prêt à lire) ou aux opinions radiophoniques mesquines
et par trop locales. L'Internet n'est pas une gloutonnerie dirigée par les
corporations comme l'est la télé avec l'impitoyable harcèlement
publicitaire de l'industrie automobile. De plus, ce sont les autres médias
(anciens) qui gèrent actuellement l'image publique de l'Internet. On tente
de nous faire vivre l'hyperlien en mode sommeil captif. La
clairvoyance de Marshall McLuhan y est démontrée par défaut, pas de
message sans médium.
Une révolution technologique divergente? L'oeuvre de Frank, Cohen et Ippolito : Three Degrees of Separation
...
Démocratie, art Web, interactivité et sources : un exemple récent

Janet Cohen, Keith Frank et Jon
Ippolito sont des artistes reconnus sur le Web pour leur art en
forme de discussion divergente. Leur récent travail en commun s'intitule
Three Degrees of Separation.
Les artistes argumentent l'énoncé suivant: "The
Internet gives artists the opportunity to make art without the trappings
that plague art objects" (trad.: "L'Internet permet aux artistes de
créer sans être embêtés par les contraintes de l'objet d'art". La
discussion et les idées échangées à partir de cet énoncé forment une scène
interactive et constitue l'oeuvre.
Le degré d'accord ou de désaccord entre les trois artistes,
relativement aux propos tenus sur cette question, est transposé sur un
plan visuel. Trois carrés de couleurs différentes (les couleurs de base
utilisées sur le Web - RVB : rouge,
vert, bleu) les représentent (Jon Ippolito, Keith Frank, Janet
Cohen). Plus les carrés de couleur se superposent (en
transparence, formant alors un spectre complet), plus ils adhèrent à
l'affirmation apparaissant textuellement sur la scène interactive. Le
texte arbore une couleur identique à son émetteur (bleu pour Cohen, vert
pour Frank, etc.).
Par exemple, un texte de couleur bleu attire naturellement
vers lui le carré bleu. Suivant un tracé triangulaire invisible, les deux
autres carrés (rouge et vert) se dirigent vers le carré bleu en se
superposant à ce dernier ou, simplement, en s'en approchant (cette
dernière action suggère que le désaccord est presque total puisqu'il n'y a
aucune superposition). Généralement, une surface plus ou moins grande du
carré initial est recouverte par les deux autres, dégageant ainsi une aire
de rencontre visuellement nuancée. On visualise clairement le taux de
l'échange.
De plus, une image prend place dans le carré identifié à
celui qui émet un point de vue. Chacune de ces images est tirée d'un site
exemplifiant concrètement l'affirmation. De plus, on a le loisir de
prendre connaissance du site référé en cliquant sur l'image. La zone
correspondant à un accord commun (la surface de l'image où les trois
couleurs se superposent) retrouve ses couleurs d'origine puisque le
processus additif s'avère complet.
Sur l'affirmation suivante de Keith Frank : "Museums that don't adapt to meet
digital culture head-on won't die, they'll just turn into
mausoleums." (trad.: "Les musées qui n'endossent pas la culture
digitale ne vont pas s'éteindre pour autant, ils vont simplement se
transformer en mausolées.", Jon Ippolito est en
parfait accord (les deux carrés sont parfaitement superposés),
alors que Janet Cohen ne les rencontrent qu'au
tiers, l'image originale est donc visible dans ses couleurs
d'origine dans la même proportion (au tiers).
Il existe aussi une version de l'oeuvre
en galerie. Plutôt que le dispositif Web, les artistes ont opté pour le
système de couleurs soustractif utilisé en imprimerie (cyan, magenta et
jaune) et les images utilisées proviennent de périodiques et de livres
imprimés. Une installation présentée à la Sandra Gering Gallery à
New York.
Les deux systèmes de couleurs servent bien la métaphore de
la différence entre le monde des objets d'art et celui de la virtualité
numérique. Le premier est soustractif, le deuxième additif. L'un contient
une information au détriment des autres, l'autre les diffuse simultanément
avec ses contradictions et ses transparences. Il n'y a pas à choisir entre
ces deux voies, ce serait reprendre un dualisme contesté tant par la
pensée moderne que contemporaine. Cela dit, les systèmes de valorisation
sont des machines autonomes. Le Tate Modern en est un. L'Internet en est
un autre. L'architecture du Tate Modern est grandiose, celle de
l'interréseau est fabuleuse. Si la planète désire se donner une image
globale, cette image ne pourra être effective que par le soutien d'une
infrastructure économique et instantanée. À ce jour l'Internet, plus que
l'avion, donne certains espoirs à cet égard, mais rien n'est
définitivement joué.
Note(s)
(1) Lillie P. Bliss, Mary Quinn Sullivan et
Abby Aldrich Rockefeller.
URL de l'article:
«Le Web, l'art et le milieu : cinq propos divergents (et réponse à
Johanne Chagnon)» par Pierre Robert
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