(
7 décembre 1999 )
Il faudra ajouter une autre définition au mot cybersquattage, lorsqu'il sera reconnu: «Le fait d'acheter et d'utiliser en toute bonne foi un nom de domaine ressemblant à celui d'un futur géant américain du Nasdaq, plus de deux ans avant la création de celui-ci. Ex.: etoy vs eToys (1999)».
En vertu d'une injonction émise par la Cour de l'État de la Californie, le détaillant de jouets en ligne eToys.com a obtenu que les propriétaires de etoy.com (lien hors service...) soient obligés de verser 10 000$ US d'amende pour chaque jour où ils continueraient d'utiliser ce nom de domaine. Ne disposant pas de tels moyens, les artistes à l'origine de etoy.com ont immédiatement retiré leur site.
Cette décision de la Cour californienne met en valeur deux phénomènes problématiques qui, peu à peu, commencent à miner le Net. Le premier, le pouvoir de l'argent, est loin d'être nouveau, mais n'avait pas encore atteint la même ampleur sur le Net qu'à l'extérieur.
Dans le cas présent, tout semblait jouer en faveur de etoy.com: le nom de domaine avait été acheté et mis en application plus de deux ans avant la fondation de eToys.com, il était utilisé de façon originale (contrairement à la plupart des noms de domaines squattés qui n'offrent aucun contenu) et une demande de reconnaissance de marque de commerce a été déposée (et est toujours en attente) aux États-Unis. De son côté, eToys avait deux avantages, non négligeables: l'argent (plus de six milliards$ US de capitalisation boursière ce soir) et le fait d'être une compagnie américaine, alors que etoy.com rassemblait des artistes européens.
Le «monde réel» a déjà connu quelques situations semblables. La confrontation entre la compagnie canadienne Wool-Mart (rebaptisée Wool-Tyme) et le géant américain Wal-Mart est l'une des plus célèbres. Encore là, l'Oncle Sam a eu raison.
En guise de voie de contournement, les avocats de eToys ont proposé à etoy.com de migrer vers le nom de domaine etoy.ch puisqu'au moins un des propriétaires est d'origine suisse. Personne n'a pensé à proposer eToys.us au détaillant de jouets...
La cause a mobilisé des centaines d'internautes et plusieurs sites ont été créés pour appuyer etoy.com dans sa démarche, dont Toywar.com.
Le nom de domaine etoy.com avait été choisi par ses propriétaires en utilisant un script générateur de noms au hasard. Parmi la liste de noms générés, il est celui qui avait le plus rapidement marqué les fondateurs.
Jean-François Codère
Ce texte paru dans Slashdot résume très bien toute l'histoire