«Nous avons été contactés par des
gens qui croyaient que nous étions l'OMC. Ils nous ont même invités
à des conférences.» Un membre de YesMen
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Le site des Yesmen fait réagir l'OMC.
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as facile d'être du côté des pédants malmenés par des
potaches. A quelques jours de la conférence de Doha, au Qatar,
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'est émue, via un
communiqué daté de lundi, de l'existence d'un site sosie du sien:
«Une nuisance pour les utilisateurs sérieux cherchant une
information authentique.»
Les utilisateurs sérieux, certes. Les autres se rueront, bien au
contraire, sur ce site pastiche http://www.gatt.org/ - du nom de
l'ancêtre de l'OMC. Politique et drôle, c'est le repaire de faux
représentants de l'organisation qui se sont illustrés dans de vraies
conférences pour tourner en ridicule l'OMC. Des chefs de file de
l'imitation de site institutionnels (1), à l'image des AdBusters
canadiens qui se sont spécialisés dans le détournement de pubs.
Retour en arrière. Ce faux site a été créé par un groupe
d'activistes portés sur les technologies, RTMark. Et mis en ligne en
novembre 1999, à quelques semaines de la conférence de Seattle, afin
de soutenir les mouvements de protestation. Même charte graphique
que l'original, même présentation. Et même discours, à quelques
outrances près, mêlé à plusieurs dénonciations des ravages du
tout-marché pour brouiller les pistes.
Raout. Rapidement, les RTMark cèdent leur site à un groupe
d'imposteurs, appelés les YesMen, convaincus que «les politiques
économiques néolibérales qui traitent la misère humaine comme un
dommage collatéral sont un échec», selon Mike, l'un de leurs
membres. Le site poursuit sa vie tranquille dans le cyberespace, en
clone incisif de l'original. Mais sans passer inaperçu. «Nous
avons été contactés par des gens qui croyaient que nous étions
l'OMC, raconte Mike. Certains nous ont même invités à des
conférences.» Ainsi, cet été, l'organisateur d'un fascinant
raout sur «L'avenir de la filière textile» en Finlande expédie un
e-mail au faux site. Et si Mike Moore, le patron de l'OMC, honorait
la manifestation de sa présence ? L'occasion est trop belle.
Les YesMen promettent d'envoyer - aux frais des organisateurs - un
collaborateur du big boss.
Décharge. Le spectacle est total: le 16 août, devant un amphi
impassible, Hank Hardy Unruh - Andy, un YesMen qui habite Paris -
entame un discours jouissif. La guerre civile américaine ?
«Un gâchis de temps et de ressources» car l'esclavage,
antiéconomique, aurait de toute façon disparu grâce à une politique
de libre-échange. Gandhi ? Un «protectionniste» qui
«n'avait rien compris aux marchés ouverts». Et, au final, la
présentation d'un «costume de management par le plaisir» -
une combinaison moulante dorée et prolongée par un énorme phallus -
capable d'aider les managers à surveiller leurs salariés du
tiers-monde et de leur envoyer une décharge électrique lorsqu'ils
rechignent à bosser ! L'audience ne bronche pas. «Ils n'y
ont vu que du feu, raconte Andy. Au dîner qui a suivi,
l'organisateur m'a même félicité trois fois publiquement pour mon
excellent discours.» Un quotidien économique finlandais a même
relaté l'intervention de l'OMC au premier degré, avant que
l'imposture ne soit révélée.
Dissidence. A l'OMC, où l'on évite d'évoquer cet épisode, on
préfère alerter sobrement sur le faux site. «Nous avons reçu de
nombreux e-mails de gens qui ont été trompés par ce site,
confirme Jean-Guy Carrier, porte-parole de l'organisation.
Récemment, un utilisateur nous a écrit qu'il y avait passé quinze
minutes avant de réaliser que ce n'était pas le vrai.» Le
fonctionnaire affirme pourtant qu'aucun procès ne sera lancé contre
les potaches. «Notre boulot n'est pas de poursuivre en justice
qui que ce soit, explique-t-il. Nous apprécions la dissidence
et les critiques honnêtes.» Il précise tout de même que les
«internautes sont invités à s'exprimer sur les forums» du site
officiel. Bref, la contestation, oui, mais restons polis.
Les YesMen, de leur côté, se réjouissent de bousculer un peu
l'OMC. Mike rappelle que l'institution «avait déjà alerté sur ce
faux site avant la conférence de Seattle». Il y voit un signe de
«paranoïa» et espère que c'est la preuve que l'OMC
«s'affaiblit». Cet avertissement de l'organisation est de
toute façon, pour eux, un joli coup de pub: «Depuis qu'il a été
publié, nous sommes inondés d'e-mails.».
(1) Monsanto, le spécialiste des OGM, n'a pas échappé au
détournement. Sur http://www.monsantos.com/, on
se préoccupe de «votre cancer» et on aime «l'espoir
TM».
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