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    State of Emergency: la mondialisation expliquée à mon grand-père
    Par Le proprio -- 2002-03-01 17:24:49


    Le témoignage d'un militant anti-globalisation sur le jeu polémique State of Emergency

    Il prend la manette et commence à jouer. Brise quelques vitrines en balançant des poubelles, slalome entre les manifestants en plein saccage d’un centre commercial, explose deux ou trois flics et lâche: «ils sont nuls, les policiers». Andy, 34 ans, américain vivant et travaillant à Paris, était dans les rues de Gênes, lors du sommet du G8, et à New-York lors du forum économique mondial en janvier. Et il trouve «nul» le jeu vidéo State of Emergency (SoE), dont la sortie s’accompagne d’une véritable hype anti-globalisation assortie d’un marketing flirtant avec le mauvais goût. Qu’on se le dise, State of Emergency puiserait son inspiration directement dans les mobilisations de Seattle ou de Gênes contre l’ordre néolibéral, en mettant en scène des émeutes et une guérilla urbaine entre militants et flics aux ordres du Marché. Un buzz encouragé par les développeurs écossais de Rockstar Games, même s’ils se refusent ces dernières semaines à communiquer en ce sens pour ne pas alimenter une polémique naissante.
    Alors, SoE serait-il le premier jeu vidéo anti-globalisation? «Ce jeu est aussi loin des conflits de la mondialisation qu’un jeu qui se passerait sur la Lune», répond Andy. En ligne de mire, le scénario simplet: en gros, une giga-entreprise a pris le contrôle de la planète, arrose le bon peuple de ses messages «consommmez, consommez», contrôle les médias et tutti quanti. «Une vision très naïve d’un monde où les entreprises ont pris le pouvoir, une vision antique de la mondialisation, que l’on aurait pu avoir il y a cinquante ans», estime Andy. Les scénaristes, en troquant le Big Brother de l’Etat totalitaire par une entreprise tout aussi totalitaire, ne rende pas compte de la complexité de la mondialisation, enchevêtrement de pouvoir économique, de lois encourageant la marchandisation, de souverainetés diffuses. «Dans ce jeu, une seule entreprise domine toute la planète, alors qu’aujourd’hui, tu en as plein, remarque Andy. Les messages orwelliens diffusés ne ressemblent pas aux messages des entreprises qu’on voit à la télé».
    Le militant n’aime pas non plus la façon dont State of Emergency met en scène les activistes: une brassée de gros bras défouraillant sur les flics et dézinguant les vitrines, sorte d’émeutiers bas-du-bulbe. «On ne voit pas non plus le côté positif des activistes. A Gênes, on avait amené des grands miroirs pour aveugler les policiers, il y avait beaucoup d’actions très imaginatives.» Sur ce point, le jeu occulte complètement les formes très particulières des actions de la plupart des «antis», souvent habiles dans leurs exploitation des médias et des codes dominants en vigueur: détournements de pubs avec les AdBusters canadiens, happenings urbains et potagers aptes à capter les caméras avec les anglais de Reclaim the Streets. Andy lui-même fait partie des YesMen, un groupe dont les membres usurpent régulièrement l’identité des pontes de l’Organisation mondiale du Commerce pour donner des conférences en leur nom. En outrant la vulgate néolibérale pour mieux choquer. Ainsi, en carricaturant les militants anti-globalisation comme autant de combattants de rue, State of Emergency passerait à côté de l’essentiel. Seule «l’intro (du jeu, ndlr) avec le flic qui tabasse quelqu’un sans raison» trouve grâce aux yeux d’Andy: «C’est ce que j’ai vu à Gênes, des manifestants en sang, au sol, tabassés sans raison», témoigne-t-il.
    Pour autant, l’activiste ne s’effarouche pas qu’un jeu bourré de © et de trademarks titillent la veine «anti» pour faire du profit. «C’est de la récupération pure, admet-il. Mais je ne suis pas choqué, c’est un produit commercial qui n’a aucun message, qui n’influencera rien. Ils essaient de jouer là dessus pour avoir un marché: il y a un public énorme qui apprécie ce qui s’est passé à Gênes, à Seattle...» Andy se prend même à imaginer un «jeu qui traiterait vraiment des conflits de la mondialisation dans leur complexité». Mais en attendant, que doivent faire ceux qui souhaiteraient tout de même s’essayer à State of Emergency? «Qu’ils le piratent, bien sûr!»
    Recueilli par Florent Latrive
    State of Emergency, Play Station 2, Rockstar Games/ Take Two Interactive, 45,50 euros.

    Le site du jeu
    Le site des Yes Men


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