es Net-artistes
doivent faire très très peur aux mastodontes de l'économie
mondialisée. Sinon, pourquoi Dow Chemical, géant américain de
la chimie, aurait-il fait fermer le site parodique des Yes Men
? L'affaire «The Thing» (la Chose, en anglais), du nom du
serveur artistique new-yorkais qui hébergeait ledit site,
menace l'existence d'une des plus anciennes zones libres sur
le Net, témoin de pratiques artistiques contributives, entre
piratage artistique et agit-prop médiatique. Créé en 1995 à
New York par l'artiste Wolfgang Staehle, The Thing est une
plate-forme de sites aussi divers que ceux du PS1, de la revue
Art Forum ou du home-studio du musicien Jérôme Joy.
Depuis le 4 décembre, l'existence de la Chose est menacée.
La centaine de sites qui y habitent a même été privée de
réseau quelques heures durant. La veille, un site imitant la
présentation du web officiel de Dow Chemical balançait un
communiqué reconnaissant la responsabilité de l'entreprise
dans la catastrophe de Bhopal, en Inde, il y a dix-huit ans.
Le communiqué était faux, un hoax que le Net répercute
tel un tam-tam planétaire. Aussitôt, les avocats de Dow
exigent de l'hébergeur technique, Verio, qu'il débranche le
faux site. Verio va au-delà, en coupant à la racine le compte
The Thing. Après quelques heures de cafouillage, Verio
rétablit la connexion, mais annonce sa décision de cesser
d'héberger The Thing fin février. La méthode, brutale,
déclenche une vague de protestations électroniques, via
e-mails et sites miroirs, hébergés en Autriche ou
ailleurs (1).
A la presse, Verio refuse toute explication. Dow Chemical
se défend d'avoir voulu censurer The Thing, mais le seul site
«clone» (dow-chemical.com), afin de «protéger nos
marques déposées et nos contenus sous copyright d'un usage qui
dénaturerait la position de la compagnie». Pas si simple,
disent les Net-artistes : «On demanderait donc à un travail
artistique de ne plus être impliqué socialement, dit
Jérôme Joy, mais de devenir un miroir "obéissant" et
docile, presque cosmétique.» Aujourd'hui, The Thing
cherche de «nouvelles maisons pour la Chose», en
Europe, loin des intérêts américains.
(1) www.theyesmen.org/dow/
Voir aussi : bbs.thing.net