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«La Chose» qui a fait peur à Dow Chemical
Des pionniers du Net-art menacés pour avoir hébergé un site parodique.
Par Annick RIVOIRE

samedi 11 janvier 2003


 
 
 

 

es Net-artistes doivent faire très très peur aux mastodontes de l'économie mondialisée. Sinon, pourquoi Dow Chemical, géant américain de la chimie, aurait-il fait fermer le site parodique des Yes Men ? L'affaire «The Thing» (la Chose, en anglais), du nom du serveur artistique new-yorkais qui hébergeait ledit site, menace l'existence d'une des plus anciennes zones libres sur le Net, témoin de pratiques artistiques contributives, entre piratage artistique et agit-prop médiatique. Créé en 1995 à New York par l'artiste Wolfgang Staehle, The Thing est une plate-forme de sites aussi divers que ceux du PS1, de la revue Art Forum ou du home-studio du musicien Jérôme Joy.

Depuis le 4 décembre, l'existence de la Chose est menacée. La centaine de sites qui y habitent a même été privée de réseau quelques heures durant. La veille, un site imitant la présentation du web officiel de Dow Chemical balançait un communiqué reconnaissant la responsabilité de l'entreprise dans la catastrophe de Bhopal, en Inde, il y a dix-huit ans. Le communiqué était faux, un hoax que le Net répercute tel un tam-tam planétaire. Aussitôt, les avocats de Dow exigent de l'hébergeur technique, Verio, qu'il débranche le faux site. Verio va au-delà, en coupant à la racine le compte The Thing. Après quelques heures de cafouillage, Verio rétablit la connexion, mais annonce sa décision de cesser d'héberger The Thing fin février. La méthode, brutale, déclenche une vague de protestations électroniques, via e-mails et sites miroirs, hébergés en Autriche ou ailleurs (1).

A la presse, Verio refuse toute explication. Dow Chemical se défend d'avoir voulu censurer The Thing, mais le seul site «clone» (dow-chemical.com), afin de «protéger nos marques déposées et nos contenus sous copyright d'un usage qui dénaturerait la position de la compagnie». Pas si simple, disent les Net-artistes : «On demanderait donc à un travail artistique de ne plus être impliqué socialement, dit Jérôme Joy, mais de devenir un miroir "obéissant" et docile, presque cosmétique.» Aujourd'hui, The Thing cherche de «nouvelles maisons pour la Chose», en Europe, loin des intérêts américains.

(1) www.theyesmen.org/dow/

Voir aussi : bbs.thing.net

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