"LES YES MEN sont une association informelle réunissant trois cents imposteurs du monde entier. Leur état d'esprit se résume en une phrase : ébranler les préjugés." Depuis des années, ce groupe insaisissable fait parler de lui en organisant des canulars compliqués aux dépens de grandes entreprises, d'associations professionnelles et d'organismes publics. Qu'ils opèrent sur le réseau ou dans le monde réel, les Yes Men utilisent toujours la même tactique : ils se font passer pour des partisans farouches de la mondialisation et du libéralisme économique, et tiennent des propos caricaturaux ou inquiétants qui poussent la logique libérale jusqu'à l'absurde...

L'une des cibles préférées des Yes Men est l'organisation mondiale du commerce (OMC).

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Après s'être emparés de l'adresse www.gatt.org (du nom de l'organisme prédécesseur de l'OMC), ils créent un site parodique ressemblant à s'y méprendre à celui de l'OMC. Plusieurs organisations très respectables tombent dans le piège et entretiennent via Internet des relations suivies avec les Yes Men, en croyant avoir affaire aux fonctionnaires de l'OMC. Les imposteurs réussissent même parfois à se faire inviter à des réunions officielles...

A plusieurs reprises, l'OMC - la vraie - publie des communiqués regrettant l'existence du site pirate, mais reconnaît par ailleurs qu'Internet doit rester un lieu de libre expression. Pourtant, en octobre 2001, elle estime que la plaisanterie a assez duré : elle menace d'intenter un procès aux Yes Men pour violation de copyright, et fait pression sur leur prestataire technique pour qu'il cesse d'héberger le site gatt.org. En représailles, les Yes Men décident de frapper un grand coup : avec la complicité de sites miroirs situés dans plusieurs pays, ils diffusent un logiciel gratuit baptisé Yes-I-Will, qui permet à un administrateur de serveur de télécharger intégralement n'importe quel site, d'en faire des copies conformes, puis de les modifier à volonté, par exemple en programmant le remplacement automatique d'un mot par un autre.

Lorsqu'il s'agit de détourner un site d'actualité remis à jour en continu, Yes-I-Will intègre les vraies modifications en temps réel dans le site pirate, tout en conservant les falsifications. Pour prouver l'efficacité de leur programme, les Yes Men ont déjà mis en ligne plusieurs exemples de sites "détournés dynamiquement", dont ceux de CNN, Nike, Microsoft et Dupont de Nemours : "Grâce à Yes-I-Will, le type de censure préconisé par l'OMC est définitivement obsolète."

Yves Eudes